Complément d'humeur

Vivre me prend tout mon temps

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Origines

Vendredi soir en rentrant à la maison, on s'est mises à parler avec Eve, et ça n'arrive plus très souvent... alors vers 3h du mat', elle a fini par rappeller Mantha pour annuler leur soirée, et on est restées à boire du thé et parler, parler, des choses qui nous énervent, de nos vies, jusqu'au petit matin. Alors je ne dirai pas que tout est réglé, parce que ce n'est pas la première fois et que l'incompréhension renaît toujours, parce que nous qui étions si proches, sommes maintenant trop souvent ennemies, sans raison particulière pourtant, et avec beaucoup d'amour aussi, peut-être à cause de cette colocation qui est, honnêtement, très dure à vivre pour tous, peut-être justement parce que nous souffrons de ne pas nous retrouver. Elle qui fut ma soeur, ma mère et mon père, mon amie, ma confidente, mon modèle aussi, je n'arrive plus à la comprendre et elle ne me perçoit plus. Je m'en veux de ne pas avoir vu quand elle avait besoin de moi, de ne pas l'avoir sortie du cauchemar qu'elle vivait, d'en voir encore aujourd'hui les séquelles... je lui en veux de s'être refermée sur elle-même, de considérer tout un chacun comme un danger potentiel, et de m'inclure dans ce "tout un chacun". Et pourtant... on a discuté toute la nuit, comme on avait coutume de le faire, t'en souviens-tu? Ces nuits à refaire le monde, ces nuits à analyser les gens, à partager nos bonheurs ou déconstruire nos peines, et cette triste nuit où j'ai sangloté dans tes bras en réalisant que jamais je ne changerais mes parents, cette nuit où je suis devenue adulte, trop tôt mais pas seule grâce à toi. Bien sûr tu as joué un trop grand rôle dans mon éducation, tu n'aurais pas dû avoir ces responsabilités, mais tu les as assumées, c'est toi qui m'as expliqué les racines carrées et la génétique, la mythologie grecque et l'étymologie, toi que je suis allée voir quand j'ai eu mes règles, toi qui m'as rassurée quand je me suis sentie perdue à la fac, toi qui m'as appris à rire de moi, toi qui m'as toujours présenté tes amis malgré nos 4 ans d'éccart, toi qui as remonté le moral des épitéens dont j'avais brisé le coeur - te rappelle-tu, soeurette, mes seize ans lors desquels tu me couvrais face aux parents? Toi qui m'as parlé de la vie pour que je sois prête à l'affronter, toi qui m'as écouté parler de la mienne et as su m'en ouvrir les portes, comme ce jour où je t'ai appellée en larmes après avoir eu l'éblouissement des milliers de chemins possibles... C'est à toi que je pensais lors de ma période suicidaire, à douze ans, lorsque les fenêtres appellaient mon envol, et pour toi que je gardais les pieds au plancher. Toi dont j'ai ramassé les morceaux, enfin, lors de cette semaine où les mots ne signifiaient plus rien pour toi, où tu as baissé le masque pour montrer ton âme dépecée, exangue, par la faute d'un monstre que j'aurais volontiers tué, et j'ai essayé de t'aider à reconstruire, mais mes plans étaient incomplets, et j'avais raté trois ans du vrai toi.

Et là, on a retrouvé un peu de ce qui faisait notre complicité, on n'était plus obligées de finir nos phrases - presque comme au temps où personne ne pouvait suivre nos conversations car elles avaient trop d'implicites et de raccourcis évidents pour nous seules.

Et samedi encore, la complicité au réveil, ce petit déjeuner côte à côte, en regardant ensemble - ensemble! - les modifications de ton blog-à-venir, tes explications adaptées, mon interêt enfin éveillé pour ce qui t'absorbe depuis plusieurs mois. Et pourtant c'est vain, nous ne vivrons pas cette colocation comme je l'avais rêvée, mais... peut-être, dans quelque temps, lorsque nous aurons pour digéré nos rancoeurs, pourrons nous de nouveau être amies. Soeurs, pourquoi pas? Tu me manques, tu sais.

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Commentaires

1. Le lundi 13 octobre 2003 à 13:20, par NoRsfall

> Origines
Bel hommage.

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Présentation

J'ai commencé à ouvrir les pages de mon carnet intime lors de mon passage à la non-exclusivité amoureuse, parce que j'avais besoin de poser des mots sur ce que je vivais et de le partager. J'aime garder ici des traces de moi, parce que je suis souvent surprise de retrouver longtemps après quelles furent mes pensées et émotions à un moment donné... ma démarche ignore toute pudeur, soyez prévenu.e.s. Ainsi donc, voici mes amours, ma vie en squat, et quelques réflexions politiques.